Chez l'homme, l'utilisation d'antibiotiques peut avoir un effet radical sur le microbiome, car elle réduit le nombre de "bonnes" bactéries et de bactéries pathogènes (Maier et al 2021). Cela perturbe l'équilibre bactérien et réduit la production d'acides gras à chaîne courte (acide acétique, propionique et butyrique) qui sont considérés comme une mesure de la santé intestinale (Tierney et al 2023). L'utilisation prolongée d'antibiotiques rend l'individu plus vulnérable aux problèmes intestinaux tels que la constipation/diarrhée (dysbiose) (Martel et al 2022 ; Nel Van Zyl et al 2022) ainsi qu'aux maladies chroniques telles que le syndrome du côlon irritable (Mamieva et al 2022). Les modifications du microbiome comprennent une perte de diversité bactérienne et des différences dans le profil bactérien. Par exemple, l'utilisation de bêta-lactamines, de glycopeptides et de macrolides entraîne une diminution des bactéries bénéfiques des genres Bifidobacterium et Lactobacillus (Duan et al., 2022). Il peut s'écouler beaucoup de temps avant que la flore intestinale d'origine ne soit rétablie ; ce processus peut varier entre deux ou trois semaines et plusieurs mois, tandis qu'occasionnellement un changement plus permanent se produit (Huang et al 2022).

Les chevaux semblent réagir de la même manière. Les antibiotiques jouent un rôle majeur dans le traitement de nombreux problèmes équins et sont d'une importance vitale en tant qu'agents thérapeutiques pour les infections bactériennes ainsi que pour la prévention des infections postopératoires et secondaires (Khusro et al 2021). Toutefois, comme chez l'homme, leur utilisation présente des inconvénients. Les sulfamides, les combinaisons triméthoprime/sulfamide, les pénicillines telles que la pénicilline G et l'ampicilline, le ceftiofur et l'enrofloxacine se sont tous révélés être à l'origine d'effets secondaires gastro-intestinaux chez les chevaux, les animaux traités développant des diarrhées, des coliques ou des colites. Plusieurs antibiotiques du groupe des "mycines", ainsi que les tétracyclines, ont les mêmes effets (Khusro et al 2021). Ces deux classes de composés ont un large spectre d'action, agissant contre une série d'infections, et sont donc susceptibles d'être largement utilisées. Les antibiotiques de ce type, qui affectent manifestement le fonctionnement de l'intestin, entraînent également des modifications du microbiome intestinal. Cette dysbiose s'accompagne souvent d'une augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale, de sorte que l'utilisation, par exemple, de la triméthoprime sulfadiazine augmente les taux sanguins de LPS (lipopolysaccharide), qui est un biomarqueur de l'étanchéité de l'intestin (Collinet et al 2022). De même, la phénylbutazone, qui peut être utilisée pour traiter les troubles inflammatoires chez les chevaux, provoque également une augmentation de la perméabilité intestinale et modifie le microbiome, avec une perte de bactéries de la famille des Lachnospiraceae (Whitfield-Cargile et al 2021). Comme chez l'homme, les changements peuvent être durables.

Ces résultats ont conduit au développement de traitements visant à restaurer le microbiome. L'utilisation de pré/probiotiques, de phagothérapie ou de polymères peptidiques antimicrobiens a été suggérée (Gibson et Owen 2023) et la transplantation de microbiote fécal (FMT) a été tentée. Cependant, les protocoles de FMT chez les chevaux ne sont pas encore suffisamment fiables pour que cette méthode soit utilisée à des fins thérapeutiques, et elle reste donc une possibilité théorique (Di Pietro et al 2023 ; Kinoshita et al 2022). Les suppléments qui modulent le microbiome pourraient être utiles pour rétablir l'équilibre initial et traiter la dysbiose équine induite par les antibiotiques. En accord avec cette théorie, les formulations d'ERME (Equinectar), qui modulent le microbiome intestinal, ont été couronnées de succès dans une petite étude pilote, bien qu'il reste encore beaucoup à faire avant d'obtenir des réponses claires au problème.